La petite goutte de sueur perlant sur le front de Manda fut vite balayée par ce dernier alors qu'il se tenait à coté de son coéquipier de mission. Une mission bien basique en somme pour le juunin fraîchement promu, à peine rang C, que l'on aurait pu filer à n'importe quel groupe de trois gamins en mal d'aventure. Mais, il fallait plutôt considérer cela comme une petite mission d'introduction à la carrière militaire du jeune juunin. Accompagné par un trentenaire, qui l'avait quasiment couvé, éprouvant pour le jeune homme un amour quasi filial, il se tenait sur une colline surplombant un village reculé du pays de la Foudre.
La goutte de sueur tomba sur le sol, chassée d'un geste sec de l'épiderme humide. Ce qui allait devenir de cette goutte liquide, nous ne le saurons jamais. Par contre, Manda releva la tête et s'ébouriffa tranquillement les cheveux, offrant cette masse capillaire à la merci d'un vent discret mais rafraichissant. Yanoa le regarda avec douceur et lui donna les dernières paroles avant de laisser s'envoler le jeune oisillon vers l'aventure.
N'oublie pas que tu dois essayer de récupérer les commandes qu'il a pu recevoir avant de le tuer. Il serait dommage qu'il emporte ses secrets dans une urne funéraire. Et pas de boucan, hein ?! Je ne tiens pas à voir la garde débarquer sur les lieux de tes exploits avant ce soir. Maintenant, allons-y.
Le sourire de Manda exprima la reconnaissance qu'avait ce dernier pour son senseï. Aucune parole n'était utile à ce moment là. La mission passait désormais avant tout. S'élançant sous un soleil de plomb, les deux hommes s'infiltrèrent dans le petit village avec la discrétion d'une souris. Les pas étaient légers et leur intrusion dans une maison aux abords du centre du village ne parût pas soulever de cris indignés. La chaleur ambiante avait servi les desseins des deux hommes, poussant le propriétaire, peu soucieux de sa sécurité, à ouvrir sa fenêtre afin d'aérer la grande salle.
Les deux hommes tels des flèches s'infiltrèrent dans la salle, fonçant vers le propriétaire qui travaillait sur un mobilier en bois appelé aussi bureau. Le plaquant sur sa table avec une violence toute retenue, une main plaquée sur la bouche de ce dernier pour éviter les cris intempestifs, la situation était bouclée de ce coté-là. Le propriétaire, tout d'abord surpris de cette intrusion aussi ravageuse que brutale, n'émit aucun geste, puis commença à taper du pied en guise de protestation toute inutile qu'elle soit.
Je te conseille de rester tranquille si tu ne veux pas que ta vie soit abrégée dans l'instant chuchota Manda.
Le ton était chaleureux, mais la mise en garde était ferme. L'homme ne broncha plus et montra les signes du calme même s'il en était rien. Mais, la porte du salon s'ouvrit brusquement, propageant une nuée de kunaïs à travers le salon. Les projectiles de mort furent bloquées aisément par le katana de Yanoa qui couvrait son disciple et la cible. Les auteurs restaient invisibles aux yeux des ninjas de la foudre mais Yanoa prit les devants.
Je vais aller voir ce qui se passe. Toi reste ici avec la cible et interroge-le.
Sans un mot, il s'élança dans le couloir, laissant la porte de la salle de travail ouverte . Il disparut au coin du couloir, laissant Manda seul à seul avec le propriétaire. Le retournant brusquement vers lui, il lui fit son plus beau sourire et lui dit :
Cher monsieur, vous êtes connus dans la région comme étant le meilleur faussaire du pays de la foudre. Malheureusement, vous avez été condamné par le Raikage à subir la peine capitale à cause des nombreux documents illégaux qui tournent dans le pays. Sa justice est comme l'éclair, frappant impitoyablement les êtres dont vous allez faire partie. A moins que vous ne consentiez à effectuer un petit travail pour l'humble ninja que je suis. Tout d'abord, j'aimerai avoir la liste de vos commandes ainsi qu'une copie. On ne sait jamais ce qui peut se passer au cours du voyage, non ? Ensuite, voici sous vos yeux, une liste de documents à effectuer au nombre de cinq. Connaissant votre réputation, vous en avez pour une heure au maximum. Si ces menus travaux sont mal effectués, je vous tuerai immédiatement. S'ils sont réussis, vous aurez la vie sauve.
Les yeux apeurés du faussaire fixaient les yeux tranquilles de Manda. Il avait l'air sincère . . Et puis, c'était la seule chance qu'il avait de s'en tirer alors, autant finir le travail. D'un hochement de tête, il acquiesça à la demande de Manda. Ce dernier relâcha alors son étreinte et s'éloigna de quelques pas afin de le surveiller dans son travail minutieux.
Pendant ce temps, Yanoa s'efforçait de se traîner jusqu'à la pièce où se trouvait Manda. L'embuscade avait été minutieusement préparée et s'était déroulée sans bruit. Il avait été stupide de penser que les gardes du corps du faussaire étaient aussi mal préparés. C'étaient des professionnels au nombre de cinq, étonnamment jeunes au vu de leurs visages juvéniles. Ils ne portaient aucun signe distinctif mais ils étaient vraisemblablement originaires du pays de la foudre. Mal en point, Yanoa se traîna avec peine dans le couloir dans une trainée de sang. Il était transpercé de kunaïs et il avait reçu un coup de katana dans la poitrine au vue de la trainée sanglante qu'il laissait. Sans crier car il ne fallait alerter personne, il appela à l'aide.
Gardant un coup d'oeil sur le faussaire qui relevait ses yeux emplis de terreur de son travail, Manda accourut en soutien de son senseï, l'air préoccupé. Celui-ci parla, la voix hachée :
Une embuscade en bas . . . Tous morts, aucun survivant . . . Besoin d'aide et de soins . . .
L'air terrifié de Manda à sa vue, le convainquit qu'il n'était définitivement pas prêt pour ce genre de mission. Ainsi quand il enleva un kunaï de sa jambe, il s'apprêtait à dire que ça allait aggraver sa situation. Ses cheveux tirés vers l'arrière par la main droite de Manda, il regardait avec une hébétude certaine, le visage inconnu que lui présentait son disciple. La trainée rouge qui s'échappa de sa gorge sous le geste rapide de la lame, lui arracha un hoquet. Sa dernière vision fut le plancher du couloir percuté avec fracas, le plongeant dans un état d'inconscience.
Se relevant avec un certain dégoût, Manda revint à sa place, l'air chagriné. Le faussaire, voyant son attitude, parut penser qu'il l'avait achevé. Il avait cru entendre qu'il y avait eu une embuscade . Etonnant alors qu'il n'avait jamais engagé personne en tant que gardes du corps. Bref, il se remit à son travail sous le regard attentif du jeune ninja. Le temps passa relativement vite, si bien qu'il eut fini en moins d'une heure et demie.
Présentant les documents demandés par Manda ainsi que la copie du relevé de commandes dans une serviette noire, il posa sur la table le relevé de commandes original. Manda prit la chemise noire, inspectant avec soin les documents qu'il avait commandé. Le prix de cette commande était la vie de son auteur mais, Manda était radin. Il sortit de la maison, aussi discrètement qu'à l'arrivée, laissant sept cadavres derrière lui. La mission était et restait la mission.
Il s'arrêta sur le chemin malgré tout dans une maison quelconque comme il en ressemblait partout àKumo. Elle était isolée mais commune. Ouvrant une trappe à l'intérieur du salon, il y déposa la chemise marron. Peu de temps avait passé depuis qu'il avait décidé dans les moindres détails, ce plan destiné à devenir Empereur de la Foudre. Devenir l'égal d'un dieu était d'une jouissance remarquable et propageait de la lumière dans une vie terne et monotone d'un être humain parmi tant d'autres. Il s'en était juste donné les moyens à l'aide de ces dons naturels. C'était simple de changer le monde. Il se remit en route après cette bref repos.
Arrivant au bureau des missions de Kumo, il y déplora la perte de son senseï et endossa toute la responsabilité de sa tragique disparition. Il fut mis à pied trois semaines et en profita pour faire connaissance avec ses voisins. Cet incident fut classé clos, mais il fut marqué dans le dossier militaire de Manda. Yanoa ne fut pas pleuré, il avait laissé beaucoup de familles endeuillées au cours de ses missions.